tre mort, voilà une drôle d'expérience. Une expérience... Pour le moins enrichissante. Le temps n'avait plus d'emprise sur moi. Ici, dans cent-cinquante ans, je serais toujours beau et fringant qu'à l'heure de ma mort. Les quatre trous dans mon corps en moins, cela dit. Je n'avais pas hérité de cicatrices à proprement parler de ma mort. J'étais arrivé en un seul morceau, sans la moindre marque sur ma peau pâle. Bien entendu, les marques psychologiques étaient bien en place. Il fallait faire fasse à l'idée d'être mort, au début. C'était... Foncièrement contre-nature, de penser qu'une fois mort, on avait encore une vie à vivre. Normalement, après la mort, c'est le repos éternel, ou la réincarnation... Pas la seconde chance dans la même satanée peau.
A
pple Street ; mon quartier. Mon appartement était à une centaine de mètres à peine. Par cette superbe fin d'après-midi du mois d'août, je me baladais avec un simple tee-shirt blanc, avec « YOLO » inscrit en noir dessus, un bermuda découpé dans un jean usé, une vieille paire de Converses noires. Une paire de lunettes style Ray Ban sur le nez, je flânais. Je connaissais par cœur cette rue, car j'y vivais depuis plus de huit mois. J'y étais arrivé au début du mois de janvier 2014, quelque chose comme une semaine après mon décès. La première semaine avait été vagabonde. Je m'enfonçais légèrement dans mes pensées, les visages familiers de Clara et Chloé effleurant mon esprit. Je ne regardais plus vraiment où j'allais, dans cette rue bourrée de familles. Si bien que mon épaule rencontra celle de quelqu'un d'autre. Mon regard se fit étincelant derrière mes lunettes et ma mâchoire se contracta. D'une voix dénuée de toute excuse sincère, je lâchai :
« Désolé ! »
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Sujet: Re: « Born to die » † Isaac & Libre Lun 11 Aoû - 16:41
BE A LITTLE CRAZY
FROM: NAYIMINIAËL
WITH: ISAAC
L'air était lourd et incommodait légèrement le grand blond. Pourtant vêtu d'un Tee-Shirt, il maudissait à présent amplement sa préférence pour les Tee-Shirt moulants. Avec une grimace fort peu engageante, il repensa aux chemises blanches, informes et dix fois trop grandes que l'on imposait aux malades à l'hôpital. C'était peut-être de là que lui venait son aversion pour tous les vêtements un minimum amples. Encore heureux, il avait eu la décence de prendre un bermuda bleu marine au lieu de ses jeans habituels.
Déambulant dans le quartier d'Apple Street, l'ex-marine fut étonné de voir à quel point ce quartier était bien plus calme que le sien. Bon, certes, il habitait au beau milieu des rues commerçantes, et le passage était bruyant, dans ce coin. Mais, à vrai dire, il s'en moquait bien, puisqu'il passait tout son temps libre à s'occuper de sa classe et de l'école. Encore aujourd'hui, ce n'était pas pour se balader qu'il se retrouvait ici, mais pour fouiller dans toutes les librairies de la ville, à la recherche de livres. Pour l'instant, il n'avait pas trouvé son bonheur, mais il ne doutait pas. En deux ans de dévouement à ces chères têtes blondes, The City lui avait toujours fourni de quoi continuer sur la lancée qu'il s'était imposée.
Soudain, son bras inutile, dont il avait bloqué la main dans une poche, fut bousculé. Bien évidemment, il ne sentit pas grand-chose, simplement qu'on venait de le lui bouger indépendamment de sa volonté. Immédiatement, ses instincts militaires se réveillant, il fit un rapide demi-tour, juste à temps pour entendre un "Désolé" qui était loin d'en être un. Démarrant au quart de tour dans le jeu de celui qui méprisait le plus autrui, la voix de Nayiminiaël se fit foncièrement amère. - Quand on ne tient pas à s'excuser, on a au moins la décence de faire comme si on n'avait rien senti...
ette chaleur, que certains trouvaient indéniablement suffocante, étouffante, était tout ce qu’il y avait de plus agréable pour moi. Je n’étais généralement pas trop vite sujet à ne pas apprécier le temps. Jusque 5°C je ne me plaignais généralement pas trop du froid – couvert en conséquence cependant – et puis lorsqu’il faisait chaud, tant que je respirais, tout m’allait. Autant vous dire que là, malgré l’air vraiment chaud, je déambulais en m’en foutant le plus totalement du monde. Je pensais à mes deux petites sœurs. S’il faisait un temps pareil, sur Paris, elles avaient sûrement pris le métro pour se rendre à Montmartre… C’était sur les marches du mont parisien qu’on avait toujours eu l’habitude de passer nos chaudes journées d’été en famille. Ma toute petite princesse sur mes genoux, mon regard brûlant se baladant autour de mes deux frangines, mon rictus mauvais pour dissuader n’importe quelle personne me paraissant suspecte de les approcher à moins d’une distance… Disons de sécurité. Après tout, je faisais partie de ces grands méchants voleurs à la sauvette ou effrayants garçons qui coinçaient les filles… Enfin, pas que j’ai déjà touché à une fille non consentante de quelque façon que ce soit, c’était juste pour l’image que je disais ça. J’étais un leader de rue, je connaissais bien le genre de petites frappes que je pouvais rencontrer, et je m’en méfiais doublement lorsque j’étais avec mes amours de petites sœurs.
V
ous voyez un peu le genre de réflexions dans lesquelles je pouvais m’être perdu. Autour de moi, ce n’était plus Apple Street, que je parcourais depuis huit trop longs mois. C’était Montmartre, les ruelles, les vendeurs à la sauvette. C’était un monde que j’avais connu par cœur durant vingt-quatre belles et longues années, même si je n’avais pas toujours suivi le droit chemin. Changer les choses ne me venait pas à l’esprit. Cette vie, je l’avais aimé, quelques en soient les conséquences. Mes pensées virevoltaient, et l’instinct, lorsque je rentrais en collision avec quelqu’un, fut de m’excuser, même si je n’étais pas le moins désolé du monde. Je m’en foutais pas mal, et je continuais d’ailleurs ma route. Seulement, j’eus seulement le temps de faire deux pas qu’une voix masculine m’interpella. Une saleté de sourire étira mes lèvres. Il n’avait rien de désolé ou d’agréable ; c’était un de ces sourires froids, qui ne laissait rien présager de très bon. Je refis le chemin dans l’autre sens, jusqu’à m’être suffisamment rapproché de ce blondinet aux airs d’ange que j’avais bousculé et dont je me foutais totalement. Sauf que je me sentais un peu bousculé moi aussi, et que ça ne me plaisait pas. Mon sourire partit en rictus de travers, rien de très avenant, et ma voix pleine de dédain résonna.
« Ecoutez parler la voix de la morale ! » Un ricanement purement moqueur franchit mes lèvres. « Tu sais pas quoi ? En réalité, je suis vraiment pas désolé. »
M
on rictus mauvais ne m’avait pas quitté tandis que je l’avais simplement regardé de la tête aux pieds. Il était plus petit que moi de cinq centimètres environ, pas beaucoup plus épais, et il avait tout l’air d’un garçon de bonne famille. En clair ? Un peu de chair fraîche pour faire mes crocs de bête de sang si jamais il réussissait à faire chauffer mes veines au point que la cocotte n’explose. Pour le moment, je me contentais d’avoir un petit air supérieur et suffisant en le regardant. Définitivement, il était plutôt du genre que j’avais écrasé sous ma semelle tout au long de ma vie que du genre à me donner du fil à retordre, au premier abord. J’étais sûr de moi, avec toute cette fierté, toute cette force que je savais pour acquise, toute cette mécanique huilée dont je maîtrisais chaque mouvement. Là, comme ça, tout de suite, je faisais vraiment caïd, et puis je ne m’inquiétais pas plus que ça que le garçon que j’avais bousculé et que je raillais maintenant ouvertement puisse éventuellement avoir un peu de talents cachés. Bah, si la répartie ne marchait pas, il me restait mes réactions de sang… Et honnêtement, loin de moi l’idée qu’il soit capable de me tenir au respect, celui-là. Il avait trop l’air de l’étudiant parfait que ramène les bonnes notes, du major de promotion, bien dans sa peau mais pas bien méchant. Bref, j’étais sûr de moi, moqueur, et je n’étais pas près de redescendre.