Le bal de fin d'été.
Dan.

Quelle idée de participer à un bal. Un bal ! Le genre de trucs où y’a plein de monde, plein de bruit et plein d’alcool. Autant vous dire que ce mélange ne me correspondait absolument pas et que je n’avais aucune envie d’y aller. Je détestais me retrouver dans une foule, être obligé de parler avec tout le monde, être obligé de boire pour paraître un peu plus marrant. C’était pas moi, ça, vraiment pas. Pourquoi j’y allais alors que j’avais horreur des fêtes ? Oh, juste parce qu’un pote m’avait mis au défi et m’avait ri au nez quand je lui avais dit que c’était pas mon truc. Alors bon, avec ma fierté hors du commun, j’avais fini par accepter de l’y accompagner. Et voilà que maintenant, je me retrouvais devant ma penderie en train de me demander ce que j’allais bien pouvoir mettre, parce que je n’avais pas l’habitude de porter autre chose qu’un jeans, un t-shirt et une veste en cuir. Le pire du pire, c’était qu’il s’agissait d’un bal masqué. Bon, au moins ça me permettrait d’éviter qu’on me reconnaisse et qu’on se foute de ma gueule, sauf que j’allais forcément tomber sur des gens qui reconnaîtraient ma voix en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire. Et puis bon, le masque que j’avais choisi ne permettait pas vraiment de cacher tout mon visage, alors j’étais foutu.

Mon masque, j’en étais plutôt fier, à vrai dire. Les petites notes de musique discrètes, les couleurs noir, blanc et doré, les petits ornements dorés sur les côtés… Ouais, il avait la classe, même si j’aurais préféré ne pas avoir à m’en acheter un. Après plusieurs soupirs, j’optai pour le costard que j’avais dû mettre deux ou trois fois, pour aller au mariage d’une tante ou d’un cousin. Les mariages, c’était l’enfer, soit dit en passant. Enfin. Chemise blanche, veste noire et pantalon de la même couleur, chaussures de costume noires laquées, cravate noire à rayures blanches et le tour était joué. Bon, après un rapide passage à la douche, un lavage de cheveux, un petit coup de parfum et tout le bazar hein. Pour une fois que je sortais, fallait que je sois un minimum présentable, même si d’après moi, j’avais plutôt l’air d’un guignol en costume.

J’empoignai mes clés, mon portable et mon portefeuille, que je glissai dans mes poches, sortis du loft, puis me ravisai pour aller chercher mon masque oublié sur le lit. Un bal masqué sans masque, ça ne le ferait pas vraiment, n’est-ce pas ? Bon allez, en route. Je m’assis au volant de ma Mustang, jetai un petit coup d’œil au rétro histoire de remettre mes cheveux en place, puis démarrai la voiture et me dirigeai vers le lieu du bal, en espérant y trouver mon ami qui m’avait promis de venir. Nous avions rendez-vous à dix-neuf heures battantes, et d’après l’heure qu’affichait ma montre, je serais pile poil à l’heure. Il avait plutôt intérêt à me féliciter d’être venu, parce que si ça n’en tenait qu’à moi, j’aurais fait demi-tour illico pour passer une bonne soirée devant la télé en pyjama, tout seul, sans personne pour se foutre de la gueule que j’avais en costume.

Autant vous dire que je n’étais pas forcément de bonne humeur en garant ma voiture à proximité de l’entrée. Il n’y avait pas tellement de monde pour le moment, mais quand même déjà assez pour me permettre de paniquer un peu. Enfin, paniquer est un grand mot, mais… je ne me sentais pas à l’aise du tout. En soupirant, je fixai mon masque.

« Toi, t’as pas intérêt à tomber, sinon je te jure que je t’abandonne dans la forêt. »

Non mais vous vous imaginez un peu le truc ? Le masque qui me tombe du nez sous le regard amusé de la foule, et les personnes qui me connaissent qui se moquent de moi jusqu’à la fin de mes jours ? Je secouai la tête et levai les yeux au ciel. Allez, Dan, sois pas ridicule. Pour finir, je posai le masque devant mes yeux, ajustai l’élastique discret qui se voyait à peine derrière ma tête, observai mon allure une dernière fois dans le rétro, puis sortis de la voiture pour finalement la verrouiller. Les mains dans les poches, le pas lent, je m’approchais de l’entrée, où une jeune femme masquée elle aussi s’occupait d’accueillir les invités. Je lui accordai un petit sourire de circonstance, et elle ne put s’empêcher de me faire un clin d’œil derrière son masque en me disant de m’amuser. Oh ça oui, j’allais m’éclater… Je soupirai une nouvelle fois – c’était la journée des soupirs, décidément – et baissai les yeux vers le petit bout de tissu que m’avait tendu la femme. Le chiffre 16 était brodé dessus en fil doré, ce qui me fit froncer les sourcils. Mon pote ne m’en avait pas parlé, et j’espérais de tout cœur que ce ne soit pas un jeu pour réunir un homme et une femme pour la soirée. Parce que sinon, moi, j’allais mourir hein…

Alors que j’acceptais une coupe de champagne offerte par un type méconnaissable en masque vénitien blanc et argenté, je sentis mon portable vibrer dans ma poche. Content de pouvoir me donner une contenance, je le sortis et le déverrouillai d’un coup de pouce. Salut, Dan. Je payerais cher pour voir ta tête avec ton masque, mais malheureusement… j’ai eu un empêchement. Eclate-toi ce soir, je sais que t’adores ça ! J’écarquillai les yeux, puis ils se mirent à lancer des éclairs. Quel lâche. Me poser un lapin alors qu’il savait que je ne venais que pour lui, c’était un très sale coup. Rageusement, je remis mon portable dans ma poche, sans même lui répondre. Qu’il aille se faire foutre. Je pris une gorgée de champagne et fis demi-tour, bien décidé à ne pas perdre mon temps à une soirée qui n’était pas pour moi. D’un pas rapide, je me dirigeais vers l’entrée, mais à travers mon masque, j’aperçus une jeune femme, et mon cœur s’arrêta une seconde. Elle ressemblait comme deux gouttes d’eau à Lusitania. Les mêmes cheveux, la même taille, le même visage, même si je n’en voyais que la moitié. Mon regard s’attarda sur sa robe, qui lui allait à ravir. Mais, avant tout, c’est son visage que j’aimais. Mon cœur se mit à battre la chamade alors que je m’avançais vers elle, priant pour que je ne me sois pas trompé. Elle se trouvait maintenant dos à moi mais, doucement, je posai ma main sur son épaule pour qu’elle se retourne.

« Excusez-moi… Mademoiselle Wendel ? » lui lançais-je d’une voix douce, un petit sourire prudent aux lèvres. Si ce n’était pas elle, j’aurais l’air franchement ridicule…

Le masque:

BY .TITANIUMWAY