Vous savez, mon histoire est vraiment banale. Pas de quoi la raconter. Mais si vous insistez...
Avec une mère fofolle et pétillante et un père excentrique mais un peu sérieux, on aurait pu croire que l'enfant partageant leurs gènes serait...délirant.
Mais non.
La seule chose d'excentrique dans ma vie fut que je suis née à Shanghai ; et encore, ce n'était même pas de mon fait.
Ensuite, j'ai été la petite fille sage par excellence. Jusqu'au collège je travaillais bien mais sans but. Ce n'est que dans le courant de mon année de 5ème pendant une heure de cours d'anglais que j'eus la révélation qui bouleversera ma vie entière. En effet, on regardait un film, une sorte de comédie musicale. J'ai été tellement impressionnée par le personnage principal que j'ai voulu faire comme lui et faire un parcours prestigieux dans la musique pour ensuite percer dans cet univers. Bon, j'avais 13 ans donc côté influençable j'étais gonflée à bloc.
Je vous décris même pas la tête de mes parents lorsque, dès mon arrivée à la maison ce jour là, je leur annonçais le rêve de ma vie :
- Je veux allez à Berklee et devenir musicienne.
Berklee était une des plus prestigieuses université de musique du monde et elle avait la particularité de se situer à Boston.
Mes parents avaient tout d'abord parus surpris, puis finirent par prendre un petit air condescendant avec un sourire. Ils semblaient l'avoir pris à la rigolade, mais j'en avais cure. Mon choix était arrêté et je ferai tout pour y arriver.
Les années passaient et ce souhait hantait toujours mon esprit, il était devenu ma personnalité et mon leitmotiv. J'avais commencé à prendre des cours de guitare, je travaillais mon anglais, tentais d'exceller dans toutes les matières (dur dur pour le sport mais je faisais de mon mieux!) Tout allait bien jusqu'à l'année de ma seconde.
Le jour où cet élève, venu d'Amérique suite au divorce de ses parents et au déménagement de sa mère native de France.
Au début, je vais vous l'avouer, j'avais eu une sorte de petite (en fait très grande) admiration pour lui car non seulement ce garçon était carrément à tomber par terre, mais en plus il venait du pays qui me fascinait tant!
Lorsqu'il se présentait, il avait expliqué rapidement le divorce de ses parents. Sa manière d'en parler comme s'il se fichait de tout m'étonna sur le moment.
Puis il énonça son souhait de repartir étudier en Amérique après son bac. A l'université de Boston pour être précis et y étudier le droit. Là, plus la peine de le cacher, j'étais définitivement intéressée par cet étrange jeune homme.
Et je me rendis bien vite à l'évidence.
Je détestais profondément ce dénommé Alexandre Aaron Fitzwilliam.
Je m'explique.
On aurait dit qu'il essayait de tout faire pour me foutre en rogne : non seulement il me détrônait dans certaines matières (pour ne pas dire la majorité...Ce bougre était même super doué en sport sans faire d'effort!) mais EN PLUS il me jetait le même regard genre combo "regard + sourire en coin moqueur (et des fois il y avait même le son avec ce rire)"
Je. Le. Méprisais.
Nous ne nous étions jamais réellement parler, aussi je fus particulièrement surprise quand il m'a adressée la parole en fin d'année de seconde :
- Alors Berklee, tu vas dans quelle première?
Il avait un accent assez charmant. Le fait qu'il connaissait mes projets d'études ne m'étonnait qu'à moitié. Ce mec savait tout. Alors je répondais :
- Celle qui m'ouvrira la voie.
Et je commençais à m'éloigner quand un son me coupa net dans mon élan : le son d'un petit rire étouffé, un rire moqueur.
Je me retournait aussitôt, superbement agacée :
- Tu cherches vraiment à être agaçant? Toute l'année ton petit rire moqueur m'a accompagnée dès que tu me battais quelque part et Dieu sait combien de fois je l'ai entendu! Tout le monde n'est pas forcément aussi doué que toi Mr Parfait. Alors, peut être que mon rêve de Berklee est inaccessible pour moi mais ce n'est pas la peine de me le rappeler et laisse moi quand même l'essayer dans de bonnes conditions.
Son rire s'était figé sur son visage et j'y ressentais une joie mauvaise. Il finit par dire :
- Je ne me suis jamais moquée de toi.
Franchement, si mes sourcils pouvaient monter jusqu'à mes cheveux, ils l'auraient fais tellement je n'y croyais pas un mot. Il en profita pour reprendre :
- Je suis sérieux. Je trouvais et trouve toujours très mignon l'acharnement que tu employais à vouloir...comment on dit? Exceller partout.
Et comme je ne répondais toujours pas, je devais avoir l'air particulièrement bête, il continua :
- Je me disais donc, ayant un objectif impliquant une ville commune, on pourrait devenir amis?
Je finis par reprendre contenance et lâcha :
- Amis? Mes standards niveau amitié sont élevés, Boston.
- Je relève le défi Berklee.
~¤~
Je ne vais pas vous raconter mon année de 1ère en détail, mais je vais juste vous dire LE truc majeur qui a changé depuis la 2nde.
Nous étions devenus amis, et à ma grande surprise de très bons amis.
La relation entre Alex et moi s'était beaucoup radoucie.
Je ne dis pas que la compétition entre nous était morte, au contraire! Mais au moins on ne se détestait pas et quand je faisais ma vilaine crise de bouderie lorsque je "perdais" (perdre est un grand mot car 18/20 et 19/20 sont de bien belles notes quand même) on partait se prendre un soda au bar d'en face. La règle était simple : le "perdant" payait. Quelques fois, je le soupçonnais de faire exprès de ne pas trop exceller aux devoirs, histoire que je ne paye pas tout le temps. Je vous jure.
Personnellement, je n'aurais pas été contre aller plus loin...Je l'avoue j'en suis arrivée à ressentir des sentiments bien spéciaux à l'endroit d'Alex...mais lâche comme j'étais, jamais je ne serais allée le lui dire. De plus, la peur de se faire rejeter était réelle. Franchement, comment quelqu'un d'aussi parfait que lui pouvait s'intéresser à la banalité incarnée?
Et enfin, je ne devais pas me détourner de mon objectif Berklee.
Anyway, on partageait une superbe amitié, des meilleurs amis en fait.
Nous nous étions retrouvés dans la même classe de la 1ère à la terminale. En août 2013, nous passions notre baccalauréat. Mais vous devez vous en douter, on savait déjà si on irait ou pas aux Etats Unis après celui-ci...
Je ne pourrais jamais vous expliquer à quel point nous étions juste...en état de contentement, de joie, de peur du futur, mais aussi du stress car si on avait pas le bac, on ne pourrait pas y aller, à Boston.
Le jour du bac, je ne pouvais rien avaler. Je savais pourtant que ce n'était qu'une formalité! Après tout cet acharnement avec lequel j'avais bossé durant toutes ces années, ce n'était rien...n'est ce pas?
Mais je n'avais pas le droit à l’erreur.
Sinon tout était foutu. Je n'avais plus qu'à aller me terrer dans un trou.
La porte de la première épreuve s'ouvre, allons y...Je n'avais même pas vu Alex...Déprimant.
~¤~
Contre toute attente (bon je m'y attendais en fait), j'ai eu me bac avec mention s'il vous plaît, oh oui ce n'est rien ce n'est rien huhuhuhuhu!
Bon Boston l'a eu aussi, il n'était pas la peine de le mentionner ça. Dire qu'Alex n'avait pas eu son bac c'est comme dire que la pluie tombe vers le haut, non, pas possible quoi.
Comment? Vous voulez savoir qui a eu la meilleure note?
Hmmm.
*ahem*Bref, passons.
Pour fêter ça, on a décidé d'aller avec d'autres amis voir un film et se faire un petit restaurant après. Alex devait venir me chercher à 17h30.
A 16h45, j'étais déjà prête. Oui je sais, des fois je me prends un peu à l'avance...comme quand il y a des fois ou je m'y prends vraiment en retard.
Il arriva 5 min avant l'heure officielle et on prit la route 10 minutes après.
Quand je lui demandais à quelle heure on devait aller chercher David, il ne me répondit pas et eu une sorte de regard énigmatique.
- Alex? Tu m'as entendue?
- Oui.
Réponse courte et efficace. En effet il a répondu à ma question mais pas à celle juuuuste avant.
- Alors pour David?
- Il ne va pas venir.
Je fus un instant décontenancée. Pourquoi ne viendrait-on pas fêter son bac?
- Oh... je repris, on retrouvera les autres au cinéma alors!
Après un bref silence, il dit :
- En fait...personne à part nous ne vient.
- Ils ont tous décommandé?
J'étais en train d'évaluer à quel point cela pouvait être malpoli de décommander quelque chose comme ça à la dernière minute quand Alexandre reprit :
- Non, ils n'ont pas décommandé, en fait ils n'étaient pas invités.
Il se tourna vers moi (nous étions à un stop je vous rassure), me regarda dans les yeux :
- Ceci très chère Charlène, est un rendez-vous galant. Comme je savais que tu allais fuir si je te le demandais clairement...bien que tu en mourais d'envie tout comme moi, j'ai décidé de te monter ce petit coup.
Mon cœur ne savait plus trop s'il devait battre à toute vitesse avec la joie ou s'il devait s'arrêter avec la peur.
- Qu-quoi?
Et voilà, je commençais à rougir. Je détournais donc vivement la tête en marmonnant :
- Si tu voulais me demander de sortir avec toi tu n'avais qu'à le faire, je ne t'aurais pas jeté...
J'entendis son rire, que maintenant j'adorais, s'envoler dans les airs. J'entendis vaguement un "et moi non plus je ne l'aurais pas fais" et nous reprîmes la route.
Pendant environ 10 minutes, nous restâmes silencieux. Je m'étais murée dans un silence complètement euphorique et un peu stressée. Comment ça allait se passer? Je n'avais encore jamais eu de rendez-vous.
Bien qu'Alex et moi avions passé beaucoup de temps ensemble, quand je jouais de la guitare et qu'il m'a soutenue quand je voulais chanter creep tout en jouant à la guitare, quand on se promenait seul en ville et qu'un jour il avait sauté sur mes épaules parce que je l'embêtais "ah oui? tu peux tout supporter? Eh bien porte moi Berklee!" avait-il dit.
J'eus un petit sourire et le regardait du coin de l’œil. Aussi discrètement que je le pouvais.
Les lumières du soleil déclinant soulignait ses traits, ses mains aux doigts fins qui tenait fermement le volant, comme s'il mettait toute sa concentration à bien conduire, ses cheveux qui dansait avec le vent qui s’engouffrait par la vitre.
La voiture s'arrêta à un feu rouge et il dit d'un coup :
- Eh bien Berklee? Ma beauté est telle que tu ne peux plus détacher ton regard de moi?
Je piquai un gros fard tandis qu'il riait, découvrant ses dents blanches. Essayant de recouvrer ne serait-ce qu'un peu de dignité, je rétorquai :
- Dégonfle tes chevilles Boston, je regardait juste la saleté collée à ta joue.
Il leva les sourcils en riant en maudissant ma fierté qui "me tuera un jour" selon lui.
Quand le feu passa au vert, nous étions encore en train de rire.
Peut être n'étions nous plus assez concentrés sur la route, ou alors ça n'aurait rien changé.
Le camion venant de l'autre rue lui, n'avait pas hésité à brûler le feu rouge et roulé très vite, pensant peut être qu'il aurait le temps.
Mais le fait est qu'il ne l'avait pas eu.
Le choc fut violent.
La dernière image qui resta gravée dans mon esprit fut le visage d'Alexandre, partagé entre surprise et le vestige du rire du moment précédent. Il articula furtivement mon prénom et tout s'accéléra.
Je ressentis une forte douleur dans ma poitrine, sûrement la ceinture de sécurité. Je fus propulsée vers l'avant et ma tête heurta violemment le pare brise. Il y avait beaucoup de sang.
La douleur fut insoutenable mais brève.
Un voile noire s’abattit soudainement devant mes yeux, et c'était fini.
la mort m'avait fauchée comme on s'arrête de parler en plein milieu d'une phrase.
C'était fini...Rien n'avait commencé...Et c'était fini.